Spiral en 3D 4k: les affres de l’horlogerie, le levage de courbe

Bonjour les amis, bonjour Michel,

Nicolas Maillechort : Je sais que tu as déjà eu un meeting avec Didier et Philippe, durant lequel ce dernier vous a montré sa technique ?

Michel Boulanger : Effectivement, tu es (trop ?) bien renseigné Nicolas. Cela s’est déroulé dans l’atelier de Philippe, notre objectif était alors de former le spiral du prototype fonctionnel que nous avons présenté à Genève en 2014. J’étais avec Didier, nous avions apporté le balancier à Philippe, quelques viroles, quelques pitons. Philippe avait une telle maîtrise des étapes que nous l’avions laissé faire.

NM : Tu avais déjà compté des spiraux auparavant?

Oui, mais des spiraux standards. J’avais déjà compté un spiral Breguet, mais je n’étais jamais allé aussi loin dans cette opération.

NM : Et levé une courbe Phillips?

Pas exactement, en fait, j’avais déjà corrigé les défauts d’une courbe Phillips.

NM : Quel est la technique de prise de note que tu as employée lors de cette rencontre précédente avec Philippe ?

Plus qu’une technique, j’ai usé de tous les moyens à ma disposition, photos, prise de notes cursives. En fait, mon problème n’était pas la prise de notes, n’oublie pas que mon métier, c’est professeur d’horlogerie!

Mon problème, c’était de suivre Philippe tout en prenant des notes. C’est un peu comme quand tu m’as conduit le matin chez Philippe, je regardais le paysage, tu conduisais, je n’ai pas noté tous les coups de frein ou d’accélérateur, je n’ai pas vu tous les panneaux, toi non plus d’ailleurs (Rires!), il est toujours délicat d’être spectateur d’une situation tout en notant des informations pertinentes. Car ce n’est que lors de la réalisation effective que tu parviens à cerner les obstacles réels! Et là, tu t’aperçois que tu n’as pas nécessairement noté les informations pertinentes.

Mais ce n’est que la première phase de la transmission du Savoir. Durant la prochaine étape, je vais réaliser un spiral tout seul. Puis j’irai voir Philippe et on analysera le résultat : c’est à ce moment seulement que le transfert de connaissances se terminera. On revient aux fondamentaux de l’apprentissage, en employant la méthode dite de « la connaissance par l’erreur ». Cette méthode est performante, elle a comme seul inconvénient d’être chronophage…

NM : je crois qu’en informatique on appelle ça le troubleshooting ?

Effectivement, c’est assez proche, c’est une méthode de diagnostic qui repose sur la détection des erreurs. Mais notre méthode est plus puissante : elle permet de comprendre de nombreuses erreurs dès l’apprentissage. C’est l’avantage du côté très concret d’un mouvement d’horlogerie mécanique.

NM : Et plus important, la dextérité, comment la gères-tu ?

Veni, Vidi! Pour Vici il faudra attendre que j’ai levé et formé 100 spiraux. Quand j’aurai acquis l’entrainement suffisant je pourrais commencer à parler spiral Breguet avec un peu de recul et d’expérience.

NM : J’ai vu que tu as eu des soucis lors du levé de la courbe Phillips, pourquoi?

C’est paradoxal! La levée est une action délicate. Plus tu touches le spiral et plus celui-ci perd ses qualités d’isochronisme. Donc la seule manière sérieuse de maîtriser le sujet est d’avoir un stock de spiraux sacrifiables. Ce que je ne fais pas par plaisir, car le type de spiraux que nous utilisons est assez rare, mais c’est indispensable à l’apprentissage.

NM : Pourquoi, Le spiral Breguet s’est si difficile à faire?

La maîtrise de Philippe est au niveau d’un Mohammed Ali ou d’un Gary Kasparov, quand tu vois ce type de personne en action, tu te dis que c’est facile. Mais en fait ce sont des virtuoses, ils sont arrivés à des niveaux de maîtrise où pour EUX c’est facile. Mais pas pour un être humain lambda, la mise en forme d’un spiral Breguet dans son intégralité, c’est une opération de haute volée qui touche au cœur de l’horlogerie, un mélange de virtuosité et de génie mécanique!

NM : Et ce spiral à la fin, le verdict?

Compliqué, mais pas impossible! Laissons le temps au temps. Le projet Naissance d’une Montre (1) remet le travail manuel au cœur de l’horlogerie. Donc, par définition, les temps d’acquisition des gestes anciens sont importants!

On est loin de l’univers des commandes numériques, pas de robot qui te fournit des précisions au micron, ici, il faut penser soi-même l’action, être dextre, gérer ses émotions, tout un art!

Merci Michel, à bientôt pour une autre aventure.

A bientôt les amis.
Nicolas Maillechort.